De la plume... aux liseuses

 

"Ô AUDIMAT..." LE ROMAN SATIRIQUE :


   Voici un roman qui manie l'ironie joyeuse, enlevée, qui se veut jubilatoire.
   Du satirique au sarcasme occasionnel...

   Car l'auteur a choisi le point de vue du jeune fils de la star des animateurs de variétés télévisuelles, encore admiratif des prestations dérisoires du père; prestations qu'il décrit avec une belle candeur. Une naïveté qui souligne, par contraste, l'insignifiance d'une pareille célébrité.

   Grandissant, le fils en prend conscience et son regard devient critique au point que le roman glisse vers une (savoureuse, dit un ancien libraire) moquerie des pipoles !

 

Voir les critiques (très) favorables.


UN EXTRAIT DE "Ô AUDIMAT..." :


   La scène se passe devant l'écran de télévision chez l'animateur vedette de variétés; elle est racontée et commentée par le propre fils du pipole.


 "Nous voici regroupés devant la boîte à magie.

   Dans les nerfs de l'assistance, il y a du cheval de course.
   Enfin l'indicatif éclate, accompagnant le clip d'entrée qui vous trouble la rétine ; pas le temps de réfléchir, c'est à peine si l'on voit Papa. Pour vous échauffer, ça vous échauffe.
   Soudain, nous y voilà ! Surgit le décor baigné d'orangé, image approximative d'un coucher de soleil de carte postale. Et Papa, de son allure souple, pique droit sur nous. On le sent dans son élément, à l'aise, souriant, charmeur. Heureux.
   On a annoncé la lauréate de je-ne-sais quel concours de doigts de pied sur la Côte d'Usure. Lauréate qui s'est muée en chanteuse. D'un geste solennel, Papa montre l'entrée des artistes comme s'il était le grand initiateur de cette vocation subite. Entre alors une fausse blonde de la plus belle eau. Dans l'élan dynamique de rigueur, la mamelle menace à tout moment de sauter par l'échancrure déraisonnable. Papa, magnifique, reste impassible. Ce n'est pas le cas de l'Oncle qui, s'il pouvait, mangerait le récepteur et le signal vidéo tout ensemble.

   Il se produit un phénomène connu mais qui ne cesse de m'épater : toute arrivée par l'entrée des artistes est un stimulus qui déclenche une réponse mécanique, les vivats. Tout pareil au conditionnement du chien de Pavlov, ce qui métamorphose l'ensemble du public en une armée de petits lapins Duracell !

   La houle des battements de mains s'éteint sous la caresse de la caméra, qui zoome : celle-là de fan, elle paraît un rien gourdiflotte avec son sourire dilaté comme encore pris dans la glace du freezer ; sorti trop tard, sûr. Pourtant, l'heure de l'émission est dans tous les magazines ! Sa voisine, la malheureuse, à coups d'ombre à paupières a définitivement dézingué l'impressions voulue de ses lunettes mode. Campé au premier plan, un jeune homme a revêtu sa tenue de comparution immédiate ; il a sacrément ses chances, faut dire.

   La caméra revient sur Papa ; on se demande comment, dans un tel environnement, il peut garder son sourire de charme. De même son second, ce rictus de garçon de bains.

   Cette fois, la fausse blonde est en gros plan. Elle s'est badigeonnée, faut voir ! Pas la formule grasse cependant, c'est sûr. On sent nettement la fille qui prend sa tête en main. Pour le meilleur comme pour le pire. Afin de faire face à la tache flamboyante de la bouche, elle a traité son regard au kit de survie (toujours les magazines !). Le micro en main, elle guette les premières mesures de l'orchestre. Les lèvres pourpres s'ouvrent... J'ai d'abord cru le son coupé. Autant pour moi : une voix ténue s'élève... non, on ne peut pas dire ça : se faufile. Ce n'est pas faute, pourtant, de serrer de près le micro ; elle y glisse des chuchotis. Chameau ! j'espère qu'elle n'a pas l'haleine trop chargée parce que le suivant va dérouiller. Il devrait en être des micros comme des embouchures de trompette : chacun le sien.

   Enfin, pour le moment j'endure. Je jette un regard en coin vers mon frère, il a tout l'air d'être tombé amoureux.

   La susurreuse, elle, sous l'effort ferme ses mirettes mais elle a beau faire, la limite supérieure des décibels autorisés ne sera jamais atteinte, il y a de la marge. On n'est pas vraiment dans le "tue-tête" caractérisé, plutôt dans le murmure fadasse

   Les applaudissements enflent. Ca plaît, qu'est-ce que ça plaît ! Je ne crois pas que ce soit le maquillage. Tandis que la chanteuse salue, Papa s'avance. Je me demande comment il va s'en sortir pour la remercier sans laisser échapper combien c'est proche de l'inaudible. Il est déjà près d'elle, arborant un sourire passe-partout. Oh, ça va la fâcher... Mais non, elle est tout à son public. A présent, il me semble que le père a retrouvé son sourire enjôleur. Pas de risque qu'il ait les tympans enflammés, c'est autant de pris. Tout le monde a l'air comblé.

   Com-blé !"

      "Ô AUDIMAT...", de l'ironie au satirique, un roman de Jean-Claude Thibault.

 



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